Les événements que nous avons traversés au long de notre vie sont stockés dans notre mémoire consciente ou inconsciente. Certains sont très anciens, ou très enfouis, quasi inaccessibles à notre remémoration. D’autres nous reviennent plus facilement lorsque nous les appelons, soit déformés, soit devenus flous, en désordre, partiels, mêlés entre eux.
Un peu de théorie
La mémoire vive de notre psychisme réalise un tri, aidée par le temps qui accomplit son œuvre de dépassement du passé. Le présent recouvre en permanence nos souvenirs. Il y a une seconde, c’est déjà le passé, accessible sous forme de souvenirs, de trace, mais pas directement.
Notre biographie, ou récit de vie, formée de ces fragments d’histoires vécues, constitue notre identité. Nous y tenons, ils font partie de nous. Ils sont corrélés à notre imaginaire, et entretiennent notre représentation du monde.
Les artistes puisent constamment dans ce terreau riche et inépuisable.
Nos remémorations vont plus ou moins loin dans le temps. La plupart d’entre nous ont des souvenirs qui démarrent à partir de l’âge de 7 ou 8 ans, la période précédente étant frappée d’amnésie infantile. Mais certains n’ont aucun souvenir de leur enfance, d’autres au contraire ont des souvenirs assez précis dès l’âge de 3 ou 4 ans.
Pourtant, tous nos souvenirs sont engrangés quelque part dans notre inconscient. Et sont donc potentiellement ré actualisables.
Pour prévenir l’oubli, nous utilisons des techniques de sauvegarde : les photos, les journaux intimes, écrits divers rangés dans une boite, objets-souvenirs, cartes postales, mails sauvegardés: tout ce que nous conservons nous aide à ne pas tout à fait oublier. Nous sommes d’ailleurs les premiers surpris, lorsque, plongeant dans une de nos boites à souvenirs, nous retrouvons les mots affectueux d’une personne lointaine, à laquelle nous n’avions plus pensé depuis très longtemps. Le temps nous joue de ces tours …
Témoignages, exemples
Voici deux exemples de fragments racontés.
Le premier est celui de Georges Pérec, qui sous le titre « je me souviens », énumère des petits faits apparemment anodins, qui ont un fort parfum d’enfance, pourtant, et offrent de surprenantes réminiscences, nappées de nostalgie pour un passé révolu.
En voici un extrait :
« 5 Je me souviens des jeux à l’élastique à l’école.
6 Je me souviens de la sirène sonnant, certaines après-midi, à côté de l’école et qui vrombissait jusqu’à envahir l’espace que nous habitions.
7 Je me souviens de Monsieur Mouton, l’ophtalmo, qui avait une moustache blanche.
8 Je me souviens des coups de règle en fer sur les doigts.
9 Je me souviens des Malabars achetés chez la confiseuse au coin de la rue.
10 Je me souviens de l’odeur enivrante des livres, à la rentrée scolaire.
11 Je me souviens de mon grand-père qui se levait de sa chaise devant toute notre tablée pour pousser la chansonnette.
12 Je me souviens de lectures sous les draps, le soir, à la lampe de poche.
13 Je me souviens de ces départs en vacances où l’habitacle était aussi chargé que le coffre . »
Le second est le récit d’un souvenir d’enfance :
» En classe de 6ème, un jour, la mère d’une de mes copines vient parler au professeur qui nous fait le cours, je ne sais plus pour quelle raison, devant toute la classe. C’est la première fois que je la vois, elle est étrangère et parle avec un très fort accent. Je vois ma copine toute rouge, très gênée.. »
C’est à vous maintenant
Je vous propose deux types d’exercices.
1) Faites l’exercice à la George Pérec, du « je me souviens » . Retrouvez des sensations, visions, détails de votre enfance, familiers et lointains pourtant, en démarrant chaque fois par : «Je me souviens ». Certains de ces détails sont partagés par une génération. Amusez-vous à réaliser ce jeu à plusieurs du même âge, à quelques années près. Vous devriez retrouver une partie commune, et bien sur, une autre personnelle, non échangeable ! prenez un cahier, et complétez au fur et à mesure de votre inspiration !
Plus on sollicite la mémoire, plus celle-ci s’éveille…
2) Racontez en quelques lignes, sans commentaires, deux souvenirs de votre enfance. Un souvenir est un espace-temps, un instantané, pas une période ou une série événements. Choisissez un souvenir heureux, et un autre moins agréable Notez l’âge que vous aviez. Si vous avez le temps, vous pouvez prendre un cahier, et continuer l’exercice, jusqu’à relater une série de fragments pour chaque période de votre vie. Votre récit de vie commencera à prendre forme.
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