Fairyland est l’histoire d’amour entre un père et sa fille, racontée par Alysia Abbott, fille du poète Steve Abbott.
Résumé
Fairyland est l’histoire d’amour entre un père et sa fille, racontée par Alysia Abbott, fille du poète Steve Abbott.
L’histoire d’Alysia est particulière puisqu’elle perd sa mère à l’âge de 2 ans, en 1974, puis est élevée par son père, homosexuel, au sein de la communauté gay et bohème de San Francisco dans les années 70-80.
Alysia raconte cet univers de liberté sexuelle et culturelle, et sa relation à son père, forte et ambivalente, bien sur. Elle retrouve son regard d’enfant, puis d’adolescente. Elle baigne dans un monde d’adultes où aucun autre enfant ne se trouve. Elle raconte son père, et comment, bien que très atypique, il a été un père aimant et protecteur, présent à sa façon. Elle raconte son manque de figure maternelle. Elle raconte son sentiment d’être à part, différente, partout.
Le récit d’Alysia est ponctué de photos prises par son père lorsqu’elle est enfant, et d’extraits de ses poésies, journal, dessins et lettres. Il est ainsi très présent, de l’intérieur, et ce récit semble écrit à deux, ce qui fait son charme.
La photo de couverture, reprise de la première édition, montre la complicité et l’élégance de leur relation.
Son récit est à la fois poignant et sans concession. Alysia s’est sentie souvent seule dans ce monde d’adultes. Son père travaille beaucoup, écrit, a une vie de militant homosexuel très intense. Elle raconte, devenant adolescente, sa honte de l’homosexualité du père, et de leur pauvreté. La singularité de leur vie, lui plait, au fond, mais elle s’arrange pour la cacher le plus possible. Elle a des amis parmi des copains gays de son père. Des figures d’attachement nombreuses.
Elle raconte sa quête d’identité, ses errances d’adolescente et de jeune adulte, ses périodes d’incertitude, ses difficultés à exister.
Alysia finit par fuir ce monde, pour se confronter à autre chose et fait ses études, entre New York, et Paris. Leur relation devient épistolaire, ils correspondent beaucoup.
La période est marquée par l’apparition puis les ravages du sida. L’hécatombe est terrible dans l’entourage du père. Les débuts de la maladie montrent l’horreur qu’elle inspire, l’homophobie qui s’amplifie.
Puis les associations se créent pour venir en aide aux malades. Steve à son tour est touché. Lorsqu’il sait qu’il atteint la phase finale de la maladie, il demande à sa fille de venir l’assister. Ce qu’elle fait, interrompant ses études. Elle revient à San Francisco, et s’occupe de lui, tout en travaillant. Elle a du mal à voir sa déchéance, qui arrive très vite.
Il meurt en 1992, Alysia a 20 ans.
« Mon père n’était plus là maintenant, et je ne savais plus vraiment qui j’étais. »
« Peu de choses avaient encore un sens. La seule chose qui avait un sens était mon chagrin. Alors je m’en suis enivrée, littéralement. »
Fairyland
Alysia Abbott
Éditions 10/18
Paru le 7 avril 2016
432 pages
8,40€
Auteure
Alysia Abbott est devenue journaliste et critique. Elle a mis 20 ans à écrire ce livre-mémoire, pour retrouver la trace de ses parents, et ce qu’ils lui ont légué. Elle a créé en même temps un site, http://therecollectors.com/, qui rassemble les témoignages d’orphelins dont les parents sont morts du sida. Une façon de donner place à des récits et paroles enfouis, de libérer la culpabilité, la honte et ses secrets. Comme elle-même l’a fait avec ce livre.
Notre avis
Ce livre est passionnant. On découvre de façon très vivante la vie de San Francisco dans les années 70, dans le quartier Haight-Ashbury, centre de la culture hippie. On suit la façon dont la communauté gay s’est structurée petit à petit, comment elle a construit ses droits. Le livre montre comment est mêlée la vie personnelle et la vie communautaire. Le récit est émouvant, plein d’amour pour ce père. Lui-même apparaît entre les pages comme un personnage attachant et intelligent.
Cette histoire vraie est racontée avec beaucoup de sincérité, de lucidité, et de recherches de la réalité sociale et historique.
Fairyland, pays féerique, est celui de cette enfance peuplée d’imaginaire.
Il est aussi ce pays de la tolérance.
Steve :
« Je ne m’efforce pas de faire d’elle une homo. Je ne dissimule pas mon homosexualité pour qu’elle devienne une adulte hétéro. Mais elle peut voir qu’il y a de nombreuses orientations et maintes façons d’être. Espérons que lorsqu’elle sera adulte nous vivrons dans une société où les dichotomies homo-hétéro et homme-femme ne seront pas si importantes. Où les gens pourront simplement être ce qui leur paraît naturel, là où ils sont le plus à leur aise. »