Difficile de citer des noms de femmes peintres célèbres autres que Frida Kahlo ou Niki de Saint Phalle ! Depuis sa création en 1985, le collectif d’artistes féministes des Guerilla Girls lutte contre la marginalisation des femmes peintres. En 2017, leur vidéo « One is not enough ! » dénonce la sous-représentation des femmes dans l’exposition « Les Hollandais à Paris ». En effet, le musée néerlandais Van Gogh ne choisit d’exposer qu’une seule des 68 femmes ayant peint à Paris entre 1789 et 1974. Femmes peintres : pourquoi les a-t-on oubliées ? Voici 3 raisons qui expliquent ce qui a pu les maintenir dans l’ombre de leurs toiles au cours de l’histoire.
Autoportrait au collier d’épines et au colibri, Frida Kahlo (1940) © Libby Rosof
Femmes représentées en peinture, figées dans leurs rôles de muses
Objets de désir ou idolâtrées, mères ou sorcières : la représentation de la femme en peinture est multiple. Largement mise en scène dans l’histoire picturale, la femme est le sujet peint plutôt que le sujet peignant. Au XVIe siècle, le statut de peintre est d’ailleurs réservé aux hommes ! Les femmes n’ont pas accès aux ateliers d’artiste ni aux cours d’anatomie. Elles sont cantonnées aux sujets mineurs (natures mortes, portraits) et ne sont pas rémunérées pour leur travail.
L’une de ces femmes de la Renaissance parvient cependant à acquérir le statut de peintre féminin : Plautilla Nelli. Cette sœur dominicaine fonde un atelier au sein de son couvent. Elle s’empare du sujet religieux, le plus haut placé dans la hiérarchie des thèmes picturaux de l’époque. Avec l’aide de ses compagnes, elle peint la Cène sur une toile de 7 m de long. Longtemps éclipsée par la suprématie des peintres masculins de cette époque, l’œuvre a été restaurée par la fondation AWA en 2019.
La Cène, Plautilla Nelli (XVIe)
Les signatures des tableaux : des noms équivoques
Dans les années 1960 éclate l’une des plus grandes impostures de l’histoire de la peinture moderne. Walter Keane s’attribue les mérites des « tableaux aux grands yeux », en réalité peints par sa femme Margareth D. H. Keane. Les tableaux signés « Keane », le nom porté par ces deux personnes, ont entretenu la confusion durant des dizaines d’années. En 2014, Tim Burton décide de porter ce scandale à l’écran à travers son film Big Eyes. « L’art féminin n’intéresse personne » est l’une des répliques clefs du film. Elle insiste sur le sentiment d’illégitimité probablement ressenti par l’artiste femme Margareth Keane à cette époque.
De même, n’oublions pas que deux peintres se cachent derrière la signature picturale « Delaunay ». Robert Delaunay et sa femme Sonia Delaunay ont mené ensemble des travaux de recherche sur la pureté de la couleur et du mouvement. Ils ont peint leurs toiles respectives avec leur propre style, qu’ils ont signées de leur nom et prénom pour éviter toute confusion.
Jeune fille endormie, Sonia Delaunay (1907) © Sharon Mollerus
La question de la singularité : entre autoportraits et refus de la classification
Le surréalisme des années 1930 à Paris ne compte pas seulement des peintres masculins comme Max Ernst ou Salvador Dali. Des femmes telles que Leonor Fini, Meret Oppenheim, Leonora Carrington ou Claude Cahun côtoient ce mouvement. D’abord repérées et intégrées en tant que muses, elles se spécialisent ensuite dans l’autoportrait. Pourtant, ces peintres femmes ne sont pas reconnues par leurs homologues masculins en tant que peintres surréalistes. On leur propose de participer à une exposition dédiée aux « femmes peintres surréalistes » qu’elles déclinent toutes. Elles préfèrent conserver leur liberté, leur indépendance et leur singularité.
L’autoportrait est donc un moyen pour les peintres féminines d’affirmer leur unicité et leur légitimité, quelles que soient leur époque et leur nationalité. Les peintres flamande et italienne Catarina van Hemessen et Artemisia Gentileschi au XVIème siècle, puis la peintre française Elisabeth Vigée-Lebrun au XVIIIème siècle, sont des femmes auto-portraitistes notoires.
Autoportait, Elisabeth Vigié-Lebrun (1790)
De nombreuses femmes peintres sont encore méconnues à ce jour pour plusieurs raisons. Durant des siècles, elles ont été dissimulées derrière leur rôle de muse, la signature de leur mari ou la prépondérance des peintres masculins. Mais depuis quelques dizaines d’années, certaines femmes artistes peintres sont redécouvertes et valorisées grâce à des travaux de restauration et d’archivage. En 2019, le Musée du Prado de Madrid a exposé les portraitistes italiennes Sofonisba Anguissola et Lavinia Fontana. Cette dernière fut d’ailleurs l’une des premières artistes femmes de la Renaissance à peindre des nus ! Au fil du temps, les femmes ont peint malgré les interdits, en représentant leur propre vision du corps, d’elles-mêmes et de la vie. Selon vous, quelles sont les femmes peintres qui mériteraient de sortir de l’ombre ?
Autoportrait au chevalet, Sofonisba Anguissola (v. 1556)
Très intéressant. Le musée du Luxembourg met à l’honneur les peintres femmes d’avant, pendant, après la révolution dans une belle exposition.
Article super intéressant