Pour rappel, la gestation pour autrui (GPA) est une technique de procréation médicalement assistée utilisée dans les cas où la femme ne peut porter son bébé au cours d’une grossesse. Une nouvelle décision de la CEDH concernant une GPA affirme la primauté de l’intérêt de l’enfant sur l’intérêt général, une décision pour réfléchir!

 
Childish family Doodles
 
C’est un sujet éthique controversé qui ne fait l’objet d’aucun consensus au sein de l’Union Européenne. Par exemple l’Italie et la France l’interdisent quand le Royaume-Uni, la Grèce et la Roumanie l’autorisent légalement.

Si les institutions européennes ne se prononcent pas sur le principe d’une interdiction ou d’une autorisation, elles interviennent en revanche lorsque l’intérêt d’un enfant est en jeu. En effet, un enfant né d’une GPA reste un enfant dont l’intérêt supérieur prime. C’est ce qu’a rappelé la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) le 27 janvier dernier dans une affaire Paradiso et Campanelli c. Italie (CEDH, 27 janvier 2015, Paradiso et Campanelli c. Italie, req. n° 25358/12).

Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Italie qui avait décidé le placement et la mise sous tutelle d’un enfant né par GPA en Russie, celle-ci étant contraire à l’ordre public. La Cour a considéré qu’en retirant un enfant de neuf mois, né par GPA, à un couple en l’absence de tout lien biologique entre eux et l’enfant, les autorités italiennes avaient violé l’article 8 de la CESDH (Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme)..

Pourtant, si cette présentation peut paraître logique et dans l’intérêt de l’enfant, la décision questionne.

En effet, cette affaire concerne un couple italien marié qui a eu recours à un contrat de GPA en Russie. Agés respectivement de 56 ans pour la femme et 44 ans pour l’homme lors de la naissance de l’enfant le 27 février 2011 (un petit garçon), les deux conjoints avaient décidé de recourir à la gestation pour autrui après avoir vainement fait des tentatives de fécondation in vitro. Cette pratique est strictement interdite en Italie, ainsi que le recours au don de gamète dans le cadre de la procréation artificielle.

C’est lorsque le couple a fait une demande de transcription à l’état civil de l’acte de naissance russe, qui indiquait le couple requérant comme les parents génétiques de l’enfant, que la justice italienne a pressenti une fraude. Dans le cas d’espèce, le couple italien a eu recours à un don d’ovule et une mère porteuse : il a payé la somme de 49 000 € via les services d’une société russe.

De retour en Italie avec l’enfant né en février 2011, les « parents d’intention » ont tenté en vain de faire transcrire son acte de naissance les désignant comme étant les parents, conformément au droit russe. Ils furent mis en examen pour « altération d’état civil », et infraction à la loi sur l’adoption.

Le même jour, le ministère public demanda l’ouverture d’une procédure d’adoptabilité. En août 2011, un test ADN révéla que M. C. n’était pas le père biologique de l’enfant, ses gamètes n’ayant pas été utilisées au cours de la procédure de fertilisation.

En janvier 2013, l’enfant fut placé auprès d’une famille d’accueil. En avril 2013, le refus de transcription du certificat de naissance russe fut confirmé au motif qu’il était contraire à l’ordre public de le transcrire car il était faux dans la mesure où il n’y avait aucun lien biologique entre l’enfant et les requérants.

L’enfant reçut une nouvelle identité et fut considéré comme fils de parents inconnus. Après d’autres péripéties judiciaires, les requérants saisirent la Cour européenne des droits de l’Homme invoquant une violation de l’article 8 CESDH.

Rappelant que l’éloignement d’un enfant du contexte familial est une mesure extrême ne pouvant se justifier qu’en cas de danger immédiat pour lui, la Cour a estimé qu’en l’espèce les conditions pouvant justifier un éloignement n’étaient pas remplies.

La Cour précise cependant que ces conclusions ne doivent pas être comprises comme obligeant l’Etat italien à remettre l’enfant aux requérants, ce dernier ayant certainement développé des liens affectifs avec la famille d’accueil chez laquelle il vit depuis 2013.

Cette décision pose plusieurs problèmes éthiques car l’espèce était loin d’être celle que l’on imagine tout de suite en pensant à la GPA soit deux parents jeunes avec un lien génétique avec l’enfant porté, sans contrepartie financière importante, avec un lien qui s’est instauré pendant plusieurs années entre les parents d’intention et l’enfant :

1- Se présenter comme des parents, à partir d’un acte de naissance frauduleux et quelques semaines de garde de l’enfant, suffit-il à justifier une reconnaissance de « vie familiale » ?

2- Intérêt de l’enfant ou intérêt du couple requérant ? La Cour ne tire ainsi aucune conséquence du trafic de gamètes, de l’exploitation des femmes et de la privation de filiation pour les enfants nés de GPA, qui se cachent derrière ce cas particulier ?

Cette décision a le mérite encore une fois de permettre de réfléchir, l’envie de parentalité ne doit pas prévaloir sur l’intérêt de l’enfant…