Une décision historique place l’Allemagne à l’avant-garde en Europe en matière de reconnaissance des droits des personnes intersexuelles : la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe vient, en effet, mercredi 8 novembre 2017, de reconnaître la nécessité de faire figurer dans les registres de naissance, aux côtés des genres masculin et féminin, une 3ème case « inter » ou « divers ». La Cour constitutionnelle a donné au législateur jusqu’au 31 décembre 2018 pour légiférer à ce sujet.
Si, depuis 2013, la législation allemande prévoit déjà la possibilité de ne pas mentionner de genre sexuel en ne cochant aucune case, la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe a estimé cette disposition insuffisante : cette définition négative du genre aboutirait, pour les personnes concernées, à nier purement et simplement leur genre. C’est la théorie du ni/ni, qui peut s’avérer discriminatoire et incompatible avec la loi fondamentale allemande, selon laquelle chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité, et nul ne doit être discriminé ni privilégié en raison de son sexe. Or la Cour constitutionnelle souligne que l’un des devoirs du droit de la personnalité consiste à assurer les conditions élémentaires permettant à chaque personne de développer d’elle-même son individualité et de la préserver.
À la différence de la Cour fédérale de justice allemande (plus haute instance au civil), qui avait refusé en 2016 cette évolution par crainte de voir l’administration créer un « 3ème sexe », la Cour constitutionnelle juge qu’avec cette catégorie, le législateur ne créera pas nécessairement “un 3ème genre” […] mais simplement une désignation générique destinée à toutes les personnes qui ne peuvent être assignées au genre masculin ou féminin, sans pour autant souhaiter être qualifiées de “sans genre”.
Le Ministère fédéral de l’Intérieur, chargé de l’état civil, a d’ores et déjà annoncé son intention de mettre en œuvre les préconisations de la Cour constitutionnelle.
Profitons-en pour préciser qu’ailleurs dans le monde, plusieurs pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde ou le Népal, ont reconnu un 3ème sexe ou genre, encore appelé « sexe neutre » ou « intersexe ». Aux États-Unis, la ville de New York a délivré en 2016 le 1er certificat de naissance portant la mention « intersexe ». Selon les Nations Unies, entre 0,05 % et 1,7 % de la population mondiale serait intersexuée. Cela n’est pas rien.