Quand on ne peut pas s’arrêter, même quand on le veut alors que la vie le réclame, le coup de pelle en pleine course n’est pas loin d’être la meilleure porte de salut. Et pour Pernille, héroïne de ce roman, cette pelle, loin de creuser sa tombe, va au contraire lui permettre de taper sur tout un tas d’excroissances. Disons douze.
Les 12 travaux mythiquement merveilleux de Pernille : résumé
« Pernille vit à mille à l’heure. Ou plutôt, Pernille survit à mille à l’heure. L’annonce loufoque d’une mort prochaine va tout faire basculer. Comme si, paradoxalement, la prise de conscience de sa finitude lui permettait enfin d’exister… Et vous, que feriez-vous s’il ne vous restait qu’un mois sur cette Terre ? Un programme herculéen ! »
Les 12 travaux mythiquement merveilleux de Pernille, Coralie Caulier, éditions Sud Ouest, paru le 25 mars 2022, 488 pages, 22€.
L’auteure : Coralie Caulier
Il a déjà été question du travail de Coralie Caulier en ces lignes, car il y a près de trois ans, nous nous étions penchés sur son premier ouvrage, une autobiographie qui avait entre autres révélé qu’après avoir quitté le monde du spectacle, on pouvait encore avoir un appétit monstre pour l’imaginaire. Et après cette première incursion, on ne peut plus personnelle, dans l’univers de la littérature, l’auteure-sophrologue délivre sa première fiction sur papier. Une histoire à se murmurer dans la tête pour un double effet « feel good ».
Les 12 travaux mythiquement merveilleux de Pernille : mon avis
Vous êtes-vous déjà agréablement perdu(e) ? Avez-vous déjà succombé à pareil oxymore ? Si la réponse est non, il existe sûrement plus d’une recette pour connaître ce sentiment, Ici, nous invoquerons en premier ingrédient «Plus jamais seule… Quoique», un livre témoignage de Coralie Caulier, ex-comédienne et désormais sophrologue qui racontait comment une maladie invisible lui avait fait aborder un nouveau regard sur la vie. Un ouvrage pas du tout larmoyant mais qui avait, malgré tout, su offrir dans ses lignes un sentiment mêlant compassion et admiration.
Alors quand la même auteure avait ensuite levé le voile sur le titre de son premier roman, «Les 12 travaux mythiquement merveilleux de Pernille», son public déjà acquis avait gentiment tourné de la tête devant cette proposition. De la mythologie herculéenne, un ou une protagoniste au prénom tellement atypique qu’il invitait à la fantaisie sans limites, il y avait effectivement déjà de quoi se sentir déboussolé(e), mais avec le sourire.
Ce deuxième ouvrage annonçait la couleur en son quatrième de couverture : avec des exercices de sophrologie à découvrir en fin de lecture et à réaliser soi-même, l’histoire allait sans aucun doute traiter du rapport à soi, de la recherche d’un bien-être que l’on pense peut-être souvent trop éloigné pour être accessible, ou trop peu utile pour motiver quelques grands pas en sa direction.
Pourtant, même si le basculement était plus ou moins programmé avant même de débuter la lecture, les premières pages peuvent donner la sensation d’un quotidien que Pernille maîtrise au point de pouvoir le répéter pendant longtemps. On peut être une championne de la routine et n’avoir rien à faire de cette médaille. Une machine si bien installée et entretenue que l’on s’attend à la voir répéter ses mouvements encore et encore… même si des travers bien connus du milieu ne laissent guère de doutes sur la finalité de la carrière de Pernille.
Et puis il se trouve qu’au lieu de laisser Pernille regarder son passé une fois les pieds dans un futur fumant, la vie vient lui délivrer une pause pour observer son présent. Et pour la convaincre d’accepter de mettre le frein à main, on lui donne l’impression que ce temps suspendu émane d’une puissance supérieure. Et on n’aime pas défier les puissances supérieures, car elles savent tout et ont la fâcheuse manie de nous faire payer au centuple tout acte de rébellion. Alors Pernille se soumet, et pour une forte tête, c’est déjà une belle réalisation.
La suite peut être devinée dans ses grandes lignes, à savoir que Pernille va fatalement trouver la paix intérieure à un moment ou à un autre de sa vie. Mais «on n’a rien sans rien», parait-il, et se connecter à son moi profond n’est pas sans conséquences quand bien d’autres vies dépendent de la sienne et s’entrechoquent avec elle. En donnant la parole à ces vies, «Les 12 travaux mythiquement merveilleux de Pernille» met en lumière plusieurs cheminements, aux croisements auquel on accorde volontiers notre crédibilité tant ils permettent d’imprimer la belle idée que quoi que l’on fasse, rien n’est jamais fait « pour rien ». En commençant par s’aimer et se respecter soi-même, comment ne pas penser que notre aura ne va pas en éblouir plus d’un ?
Les 12 travaux mythiquement merveilleux de Pernille avait aussi annoncé la couleur quant à la teneur de cette aventure : épuisante mais vivifiante. Longue mais revigorante. Un «en même temps» qui, pour une fois, donne au «mais…» la plus motivante de ses résonances. Et quand s’achève l’histoire de Pernille et que c’est à soi-même de faire son introspection, la lecture seule de ces douze travaux fait déjà voyager une graine dans l’esprit. Bien sûr que selon les individus, la démarche peut être automatique comme elle peut demander un long travail sur soi. Mais, faut-il le révéler une fois le livre refermé, le treizième travail était peut-être celui de se laisser éclairer le long de ces plus de 400 pages. Une séance encore plus silencieuse de sophrologie pour une nouvelle écoute de soi, et dans un monde où la parole s’insinue plus que de raison, Coralie Caulier confirme son statut de transmetteuse d’une indispensable bienveillance. Ce monde n’en aura jamais assez, de toute façon.