Criterion – PlayStation Vita – Disponible depuis le 31 octobre 2012 en France – 49,99€

Imaginez un peu. Un couple qui, sept ans après avoir eu son premier enfant, en accueille un nouveau dans la famille. Et comme ces parents sont quelque peu distraits (voire même hautement peu dégourdis), ils donnent à leur second chérubin le même prénom que le premier. Ça vous choque ? Ben oui que ça vous choque. En revanche, quand Electronic Arts le fait avec son Need for Speed : Most Wanted, vous vous en fichez hein ? Ce n’est qu’un jeu vidéo après tout, mais tout de même, vous pourriez au moins faire semblant d’en être offusqués. Most Wanted 2012 est donc un « nouveau » jeu, qui n’emprunte cependant pas que le nom à l’épisode sorti en 2005. On y retrouvera en effet les prises en chasse par la police et l’aspect ouvert de l’univers, à un degré toutefois encore plus grand car pas mal des courses auxquelles vous prendrez part se dérouleront dans la ville de Fairhaven toute entière.

Et puisque le titre en question tourne sur PlayStation Vita (qui n’est pas, en terme de puissance pure et vous allez me faire le plaisir de vous l’imprimer dans la tête, une PS3 portable tout comme la PSP n’était pas l’équivalent moteur de la PS2), ça mériterait presque qu’on bourre cet article de points d’exclamations toutes les deux phrases, comme pour souligner la prouesse d’avoir réussi à caser une production HD dans une carte SD sans avoir eu le besoin de faire de grosses concessions (bien que, dixit les développeurs, le recours à un chausse-pied s’est avéré nécessaire). On est d’accord, Need for Speed : Most Wanted sur Vita n’est pas l’exacte réplique de la version PS3, mais cela ne tient finalement qu’à des détails : quatre participants au lieu de huit dans les sessions multijoueurs, et des courses présentes sur consoles de salon qui ont dû être tronquées voire supprimées pour la version Vita. Pour ce dernier point, la portable de Sony se défend en incluant dix challenges exclusifs, mais on les pliera bien vite tant ces derniers portent vraiment mal leur nom (courses très courtes avec des concurrents très peu résistants).

Dans la série « il paraîtrait mais je n’en sais rien », le trafic serait moins conséquent sur Vita que sur PS3/Xbox 360/PC. Mais je vais vous dire, même si nous touchions là à une vérité, le jeu n’en serait pas moins réaliste pour autant. Parce que, trouvez-vous crédible le fait de tomber, à certains endroits, sur des voitures de marque ne demandant qu’à ce que vous les pilotiez, sans requérir le moindre sou et avec la bénédiction aveugle des autorités ? Voilà, il s’agit juste de rentrer dans le jeu sans se poser de questions. Notez que ça vous sera difficile lorsque vous lancerez Most Wanted pour la première fois, car vous on vous jettera dans la ville sans même vous expliquer (ce serait pourtant la moindre des choses) le maniement de votre bolide. Comprenez-moi, ça ne se devine pas tout de suite qu’accélérer et freiner requièrent une pression sur, respectivement, R et L. Pire, en regardant dans le manuel dématérialisé du jeu, vous ne trouverez aucune trace d’un quelconque schéma illustrant les contrôles du jeu ni l’option permettant de les modifier. Pour un jeu qui se vante de faciliter la vie du joueur via l’Easydrive (voir définition ci-après), on pourrait appeler ça une faute professionnelle.

Heureusement, Most Wanted se prend assez vite en main et me voilà à démarrer en un clin d’œil des courses, à customiser mes véhicules et à les choisir parmi ceux dont je dispose avec une aisance désarmante, et ce en me servant uniquement des touches directionnelles gauche et droite. C’est ce qui s’appelle l’Easydrive, qui regroupe en fait les options d’un menu accessible à tout moment en haut à gauche de l’écran sans jamais avoir à mettre le jeu en pause. Concrètement, on commencera, en passant par cet Easydrive à l’ergonomie irréprochable, par participer à des courses réservées à notre bolide actuel et découpées en trois niveaux de difficulté; selon notre classement, on gagnera telle ou telle pièce pour notre tuture (pneus, kit nitro…), la rendant de ce fait plus performante pour la faire se frotter aux Most Wanted. Les Most Wanted, c’est un peu les Assassins de No More Heroes, ils sont les ennemis à éliminer pour monter de rang. Ici, une fois que vous aurez réuni le nombre de Speed Points (SP) demandés pour chaque Most Wanted, vous aurez à les battre à la course puis à les percuter à pleine vitesse (Takedown), ce qui vous donnera ensuite le droit de les piloter. Je vous l’avoue tout de suite, ces phases sont à mon sens les plus exaltantes du jeu avec la participation des forces de l’ordre qui pimentent un peu plus les défis.

La mécanique sera à peu près toujours la même, mais, et c’est peut-être dû au format portable de cette version, elle n’aura rien de réellement répétitif ni de lassant. Pourtant, ce Need for Speed reste un Need for Speed dans les grandes lignes (au détail près que Criterion oblige, on devra se coltiner cette aberration de gameplay que sont les ralentis de cinq secondes après chaque crash, intervenant même pour des contacts minimes). Évoluer dans une ville gigantesque et plutôt jolie doit forcément jouer dans mon ressenti, avec, au niveau des réjouissances visuelles, des voitures vraiment bien modélisées (déformations au rendez-vous), un bitume convainquant et de sympathiques effets de lensflare qui sauront ne pas abîmer vos yeux. Le cycle jour/nuit semble pour sa part aléatoire et c’est dommage, tout autant que l’absence de variations météorologiques. Et il faut bien reconnaître que l’aliasing peine à se dissimuler dans les environnements, mais il suffit de se rappeler que Most Wanted 2012 est un jeu à monde ouvert qui tourne sans aucun ralentissement (aucun dont j’ai gardé le souvenir en tout cas) et ça va tout de suite mieux.

Grâce à cette accessibilité du gameplay, Need for Speed : Most Wanted cuvée 2012 se révèle être un jeu étonnamment très accrocheur. C’est aussi dû à la relative variété des courses qui ne présentent pas toutes les mêmes objectifs. Outre les traditionnelles où il faudra franchir la ligne d’arrivée avant les autres concurrents, vous en aurez d’autres où il s’agira de réaliser la meilleure vitesse moyenne (peut-être les plus difficiles du lot, surtout quand le jeu ajoute du trafic et des flics à vos trousses, rien de personnel hein) ou encore celles où l’on vous fera vite comprendre le besoin d’échapper le plus rapidement possible à la police. C’est dans ces dernières où vous aurez le plus de chances de connaître ce sentiment grisant qui vous transpercera quand vous arriverez à faire baisser les niveaux d’alerte les uns après les autres, bien à l’abri des patrouilles à votre recherche, après une longue et haletante course poursuite avec ces voitures qui, décidément, font bien plus de bruit que les autres. D’accord, on transgresse la loi en roulant à contresens, ou plus vite que la vitesse autorisée, mais puisque nous sommes dans un jeu, ne donnons pas à la réalité la place qu’elle n’a pas ici et fonçons avec joie dans ces barrages mis en place spécialement à notre attention.

On appréciera que certaines épreuves nous soient directement accessibles selon qu’on les aura déjà terminées avec d’autres voitures, et de pouvoir passer les cinématiques les introduisant (ça ne m’a toutefois pas été possible pour le défi « The Getaway », décidément un nom maudit dans le jeu vidéo). En parlant de ces cut-scenes justement, autant celles des défis Most Wanted sont des plus classieuses avec une mise en scène différente et de qualité pour chaque voiture à battre (ça passerait sans problème dans des publicités vidéo), autant celles des défis dits « normaux » apparaissent assez décalées (en jouant sur les couleurs, contrastes et angles) voire gentiment loufoques et débiles (les voitures de police qui flottent dans les airs, mais bien sûr). Restons un instant dans la distribution de bons points car ma boîte n’est pas encore vide, et aussi parce que Criterion a fait en sorte que les tracés verts qui nous montrent la direction vers la prochaine épreuve s’adaptent en fonction de notre parcours. Si, par exemple, on a loupé un virage qui nous emmenait pourtant vers la destination suivante, on aura droit à un tracé qui démarrera un peu plus loin, au prochain embranchement, si tant est qu’il existe plusieurs chemins pour arriver à l’objectif.

Je pourrais en rajouter une couche sur la prise en main vraiment impeccable (du drift, vous êtes prévenus), la sensation de vitesse très palpable dès lors qu’on dépasse les 200 km/h et ce trafic peut-être diminué mais qui nous causera beaucoup d’accidents à pleine vitesse (mention spéciale à l’effet « LEGO » des phares des voitures qui arrivent vers nous). Voilà, c’est fait. Maintenant, ce qui fâche, ou chagrine, ça dépendra de votre humeur. Il est tout d’abord vraiment regrettable que seulement 10 défis Most Wanted répondent à l’appel, il vous faudra approximativement neuf heures pour en venir à bout (la difficulté n’est pas super élevée) pour un degré de complétion du jeu de 60%. Le reste étant très certainement réservé à toutes ces courses que vous n’aurez pas encore faites avec ces véhicules pas encore pilotés (dont différents modèles de voitures déjà remportées). Et n’oublions pas le multijoueur qui deviendra assez vite la raison pour laquelle vous reviendrez sur le jeu, reste à savoir combien de temps vous retiendra-t-il. Enfin, déplorons l’absence de personnalisation de la playlist musicale (celle de base est insipide dixit mes oreilles,et les chansons s’arrêtent souvent brusquement), la présence de seulement deux vues (externe et proche du bitume) et les réactions parfois bizarres des concurrents (réapparition anormalement rapide derrière soi des Most Wanted après un Takedown, immunité aux herses dressées par la police) et du jeu en lui-même (si vous passez la cinématique du défi Pumping Iron, je dénonce, votre voiture démarrera presque à l’arrêt, ce qui condamnera pratiquement vos chances de rattraper le peloton).

Peut-être pour se venger de la direction qu’avaient pris les volets « Underground », on a très vite envie de qualifier Need for Speed : Most Wanted de jeu automobile sans réelle âme ni personnalité, et si on ne fait attention qu’à une partie de son enrobage (« scénario », musiques, allure visuelle) sans s’attarder plus que ça sur son gameplay, cette impression demeure et persiste. Mais une fois les premières courses effectuées, avec cette envie naissante de continuer à découvrir de nouvelles bagnoles et à faire augmenter son compte SP, on comprend où EA a voulu en venir : au but de nous offrir une ville gigantesque à parcourir les cheveux dans le vent dans laquelle on trouvera bien souvent quelque chose à faire; une volonté qui, couplée à une grande accessibilité de l’ensemble, se voit ici concrétisée par un titre à la réalisation très solide (graphismes dignes d’une Vita et VF à la hauteur) qui ne laissera vraiment perplexe que sur sa durée de vie, pas évidente à estimer. Sans doute l’un des jeux les plus ambitieux du genre sur console portable, mais à se procurer surtout si l’on accorde une grande importance aux parties multijoueur où les courses s’enchaînent quasiment sans interruption.