Atlus – PS3/Xbox 360 – Disponible depuis le 9 février 2012 en Europe.





Il n’aura fallu que quelques boucles blondes, un regard insolemment mutin et une paire de jambes adroitement écartées pour que Catherine soit immédiatement déclarée d’utilité vidéoludique par les fans les plus hardcore de l’éditeur Atlus. Mais, que ce soit pour un homme, une femme ou un plat d’insectes grouillants et nutritifs, il n’est jamais bon de se fier uniquement aux apparences avant d’émettre une opinion ferme et définitive. Ne fermez cependant pas les yeux pour autant, un accident est si vite arrivé la nuit en dormant.

Catherine, la femme de ta vie ?

Constatez-le par vous-mêmes, nous nous lassons un peu de tout si nous ne travaillons pas en permanence à alimenter le feu de notre intérêt. Rien d’étonnant donc à ce que ces feignasses de people changent sans cesse de conjoint au lieu de se remettre en question en temps voulu, alors que les péquins que nous sommes rêveraient de flirter ne serait-ce que trente minutes avec leur moitié (avec plus ou moins de succès, mais là n’est pas le propos).

Dans son monde, Vincent Brooks n’est pas vraiment une célébrité (disons plutôt le héros malheureux de l’émission Golden Playhouse animée par Trisha), mais sa petite-amie Katherine gagnerait probablement les faveurs de nos lecteurs mâles si jamais elle venait frapper à leur porte la bouche en cœur. Malgré tout, Vincent craint de s’engager avec cette belle jeune femme amoureuse et attentionnée qui ne tarde d’ailleurs pas à lui apprendre qu’elle est enceinte. C’en est trop pour notre ami qui doit en plus composer avec l’arrivée dans sa vie d’une dénommée Catherine, blondinette de dix ans sa cadette avec laquelle il finira par coucher quasiment chaque soir. Et « involontairement », pour sa défense d’alcoolique.

Pour couronner le tout, ce salaryman de 32 ans va commencer à faire d’affreux cauchemars dont il devra s’extirper au plus vite sous peine de rencontrer la mort en salle VIP. La rumeur voulant qu’on meure dans la réalité si on ne se réveille pas d’un rêve dans lequel on chute, serait-elle finalement vraie ? Les célibataires ne connaissent pas leur chance, qu’on se le dise.

Apprendre la nuit

En attendant un Persona 5 un peu plus conventionnel, Atlus nous offre donc Catherine ne ressemblant à aucun autre jeu du marché, dans son fond comme dans sa forme. Tellement original que qualifier son genre ne sera pas sans nous faire perdre une poignée de neurones. Optons ici pour « casse-tête diabolique et sexy ». Si, tout au long du jeu, vous aurez effectivement à faire un choix cornélien entre Catherine et Katherine au travers de différentes décisions à prendre, vos méninges fumeront également durant les cauchemars de Vincent, qui vous demanderont sans cesse d’escalader des blocs dans le but d’atteindre une porte synonyme de salut.

Le jour, vos interactions se limiteront à faire mumuse dans le Stray Sheep, bar pas trop enfumé faisant office de repaire pour vos amis et vous. N’espérez pas sentir sur votre peau la douce chaleur du soleil car tel un vampire prudent, votre vie dans Catherine se résumera à visiter quelques environnements sombres et fermés. Le menu que vous ouvrirez à l’aide de Triangle/Y sera celui de votre téléphone portable, et vous n’y trouverez que quatre sous-menus. Les deux premiers répertorieront vos messages reçus et envoyés, le troisième vous invitera à prendre connaissance des récompenses gagnées au terme des cauchemars, et la dernière option vous autorisera à sauvegarder votre progression. Pas d’inventaire ni de personnalisation du perso à gérer, Catherine a choisi de nous accueillir en robe légère, au risque de nous dévoiler l’ensemble de ses possibilités dès le premier soir. Les précoces plus pressés n’auront rien à redire à cela.

Catherine (le jeu) en impose tout d’abord par son très bon character design, en particulier pour les protagonistes féminins créés par Shigenori Soejima. Katherine et Catherine, pour ne citer qu’elles, se montrent en effet très attirantes, chacune à leur façon, et il ne serait pas étonnant que les joueurs masculins s’entichent plus ou moins rapidement pour l’une ou l’autre (voire les deux s’ils sont gloutons). Les femmes auront quant à elles droit au chevelu Vincent ainsi qu’a ses amis au sex-appeal variable, mais si vous avez fait l’erreur de laisser votre mère se glisser dans votre dos pendant votre partie, présentez-lui le « boss » pour faire diversion. Ce barman d’un certain âge, toujours disponible à son comptoir, ne quitte d’ailleurs jamais ses lunettes noires. Pour fuir une ex-femme un peu trop tenace ?

Plus horrifique qu’érotique

Ce casting est de plus réuni pour une histoire palpitante qui commence le jour la nuit où Vincent fait son premier cauchemar « démoniaque ». Vêtu d’un caleçon à pois roses, armé d’un oreiller qui ne mord pas et coiffé de curieuses cornes sur la tête, il pénètre alors dans un monde étrange où tous les êtres vivants présents sont des moutons marchant sur deux pattes. Des moutons pas ordinaires pour un sou car en discutant avec eux, vous vous rendrez compte que ce sont des hommes tout comme Vincent. Pourquoi ont-ils été rassemblés ici ? La réponse vous apparaîtra progressivement, si vous parvenez chaque nuit à passer une tortueuse épreuve.

C’est là que se situe le cœur du jeu. Des niveaux « puzzle » où il s’agira à chaque fois d’atteindre le sommet le plus vite possible (sommet représenté par une corde pour les premiers stages puis une porte dans les ultimes niveaux) et ce en disposant des blocs de manière optimale. Vous pourrez les tirer, les pousser, mais il ne vous sera cependant pas possible de sauter pour atteindre un bloc éloigné. Vous pourrez toutefois compter sur la physique farfelue des blocs pour pallier à ce manque, car ceux-ci demeureront dans les airs si toutefois leurs bords se touchent, et évidemment que vous avez compris. Le temps imparti pour compléter les niveaux est limité puisque les étages s’effondreront peu à peu en partant du bas, une source de stress supplémentaire étant donné que le jeu est de base vraiment dur. Trop dur pour mon esprit de joueur moyen. Et je ne parle que du mode « Normal ». Au point que la tentation de passer en « Facile » gagne un degré à chaque échec de Vincent (veuillez notez au passage que la version européenne met de base le mode « Easy » en surbrillance au moment de choisir votre difficulté).

Le premier niveau est d’une difficulté que l’on jugera acceptable, mais les suivants s’avèreront de véritables chemins de croix. Pendant une bonne partie du jeu, on ne se sentira jamais vraiment plus fort que les puzzles (tout juste à égalité parfois), la courbe de progression est des plus floues durant nos débuts, et le pire de tout probablement est qu’on peinera souvent à s’amuser pendant ces parties (je ne parle que du premier run, attention). Au bout du niveau, on sera soulagé de l’avoir terminé, mais sans réelle satisfaction, sans une grosse envie de le recommencer (sauf dans le but ultime de gagner l’or).

Peut-être parce qu’à ce moment-là, vous pressentirez un programme semblable pour les cauchemars à venir, et vous aurez raison. Alors bien sûr, entre chaque stage, discuter avec les moutons pourra vous apprendre quelques techniques, mais bien souvent, vous aurez déjà utilisé dans le niveau précédent celles dont on vous parlera juste après. Sans compter que la maniabilité de Vincent posera souvent problème quand vous voudrez passer d’un bloc à un autre ou que vous aurez besoin d’avoir un angle différent sur tel passage (car la caméra aime se montrer paresseuse). La focale devient même très dangereuse quand elle se concentre sur l’action d’un boss.

-Quiproquo. -Ch’ais pas.

Tout n’est pas gris, rassurez-vous. Si par exemple, vous effectuez une manipulation que vous regrettez l’instant d’après, une pression sur Select vous ramènera en arrière juste avant l’action malheureuse. Cette aide ne pourra néanmoins vous autoriser à revenir que jusqu’à neuf actions passées. Au pire, le suicide vous sortira de douloureuses impasses (à ne pas reproduire chez vous, même en gage). En sus, ramasser des objets disséminés dans les niveaux vous donnera un avantage certain si vous en détenez un qui désintègre les ennemis affichés à l’écran ou un autre qui fait apparaître un bloc devant vous. Il est toutefois conseillé de ne pas en acheter si vous désirez obtenir de bons classements.

Dans les niveaux avancés, vous rencontrerez d’autres moutons désireux eux aussi de sauvegarder au plus tôt leur avancée, et ils n’hésiteront pas à vous bousculer comme des mauvais dragueurs si vous vous trouvez sur leur chemin (l’inverse pourra aussi se vérifier). Les survivants vous parleront de cette « compétition » morbide entre chaque niveau, certains perdant même littéralement la boule à cause du mal qui leur est fait durant leurs ascensions et des morts qu’ils provoquent dans le même temps. Ce qui vous pourra vous amener à avoir une réflexion sur l’égoïsme et la folie des hommes, leur instinct de survie exacerbé qui leur autorise tout et n’importe quoi lorsqu’ils se sentent pris au piège. Parce que, rappelons-le, un mouton ici égale un homme. Un mouton jeté dans le vide égale son décès annoncé par une présentatrice TV dans le monde réel.

Une fois un niveau accompli, Vincent se réveillera les yeux exorbités et dans l’incapacité de se remémorer ses frasques nocturnes. Vous en reprendrez généralement le contrôle dans la soirée, au Stray Sheep. Après avoir discuté avec Jonny, Toby et Orlando et commandé quelques verres (bon à savoir, plus vous êtes bourré et plus vous vous déplacerez rapidement dans vos cauchemars), vous pourrez directement aller retrouver votre chez-vous. Mais rien ne vous empêchera d’aller à la rencontre de quelques autres habitués du bar, de choisir la musique de votre choix au jukebox (parmi celles proposées) ou bien de vous isoler aux toilettes pour lire vos e-mails. Car vous en recevrez inévitablement, et serez même invités à répondre à ceux de Catherine et Katherine. Selon les phrases employées, la balance de votre « karma » penchera plus d’un côté que de l’autre.

Rêver c’est tromper ?

Mais là aussi, déception, car si nos réponses influent sur cette balance et donc d’une certaine manière sur la suite des évènements, elles se heurtent parfois avec fracas au déroulement implacable du scénario. Exemple : j’envoie un SMS à Catherine lui demandant de ne plus m’envoyer de messages et lui fait comprendre que je ne veux plus d’elle (je vous le promets). Le lendemain, je la retrouve toujours dans mon lit et vraisemblablement pas du tout affectée par mon message de la veille. Un aspect social qui montre par conséquent assez vite ses limites.

Et puis pour finir avec le chapitre des activités du Stray Sheep, citons le jeu d’arcade Raiponce avec lequel vous auriez pu espérer vous détendre entre deux escalades de blocs. Perdu, Raiponce vous proposera elle aussi de la grimpette prise de tête, à la différence près que la caméra ne fonctionnera que latéralement et que les déplacements de blocs y seront limités. On y reste le temps d’épuiser nos crédits (trois par jour) et basta. Sachez-le, vous ne ferez rien d’autre dans Catherine, en exceptant votre rôle de spectateur. Malgré tout, la durée de vie du soft avoisine les dix heures de jeu la première fois. Et il n’est pas dit que les différentes fins à débloquer vous donnent une grosse envie de le recommencer.

Le point fort de Catherine demeure incontestablement son scénario et sa narration, puisant sa force dans la répétition du quotidien (à l’instar de Persona 3) et le personnage sans cesse torturé de Vincent, ce dernier allant même jusqu’à frapper aux portes de la folie arrivé à un certain stade du jeu. La mécanique de gameplay et l’enrobage aidant, on se prend facilement d’empathie pour lui, reconnaissant à Catherine ses délicieuses formes tout en manifestant de la peine (et une affection progressive ?) pour Katherine qui ne mérite vraiment pas ce qui lui arrive. On peut considérer que l’histoire est traitée de manière vraiment mature, d’autant plus que les thèmes abordés n’apparaissent que bien peu souvent dans les productions japonaises (adultère, grossesse). On appréciera les scènes animées réalisées par le Studio 4°C car tout de même plus jolies que les graphismes du jeu.

Cette remarque me permet d’enchaîner sur le côté sonore de Catherine. Assez bizarrement, le volume est plutôt bas dans les cinématiques in-game ainsi que dans les phases de gameplay et au poil dans les passages en dessin animé. Les voix US sont globalement convaincantes, mais quand Vincent et ses amis discuteront sur leur banquette, il pourra arriver que vous vous demandiez qui parle à tel moment, la faute à des timbres pas suffisamment distincts. Du tout bon en revanche pour les thèmes joués pendant l’aventure. Shoji Meguro a choisi d’illustrer les cauchemars par des arrangements de morceaux de musique classique et le résultat est hautement convainquant. Dans le monde réel, vous n’entendrez que des morceaux originaux (très bien insérés), et noterez d’ailleurs une prédominance du piano dans ceux-ci.

Un mot (ou deux car j’ai de la place) sur la localisation française des textes. Globalement, c’est du très bon, mention spéciale aux SMS qui reprennent certains raccourcis bien connus des bloggeurs de Skyrock, rendant les échanges un peu plus intimes pour nous autres mangeurs de grenouilles. La traduction en elle-même, malgré quelques rares oublis, se permet quelques agréables libertés par moments, même si on lui reprochera d’être sélective (certains termes restent en anglais). Quant au fameux « Love is Over » qui illustrait vos morts en version US, il devient ici un banal « Partie terminée ». Choix étonnant, discutable et reprochable.

A qui conseiller Catherine ? Aux hommes en premier lieu, oui, mais plus particulièrement aux hardcore gamers qui n’en veulent. Il est évident que plus on avance dans le jeu, et plus on gagne en expérience, facilitant ainsi notre tâche, mais la sensation avérée de faire quasiment toujours la même chose ne partira pas. Donc, et là je m’adresse aux représentantes de la gente féminine qui me lisent, si les histoires d’adultère et de triangle amoureux vous fascinent, procurez-vous le jeu en vous munissant au préalable d’un petit-ami qui suera à votre place pour vous épargner les cauchemars. On pourrait se dire qu’en configurant dès le départ la difficulté en « Facile », on s’éviterait la frustration écœurante exprimée dans ce test (qui perdrait alors fatalement de son sens), mais ce serait tricher que de s’abaisser à cela. Et tricher, vous savez bien que ça finit toujours par vous retomber sur la tête.