Que diriez-vous d’aller retrouver l’amour de votre vie après avoir gâché la vôtre alors que l’on fondait beaucoup d’espoirs en votre réussite ? Vous avez raison, vous n’avez plus rien à perdre.

 
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« D’aussi loin que je me souvienne, les choses ont commencé à sérieusement s’accélérer dans ma vie lorsque j’ai fait la rencontre de Larry. Travaillant dans l’édition, ce hipster apparent mais néanmoins sympathique m’avait proposé de publier mon premier livre, et j’étais censée apparaître folle de joie quand il m’a fait cette offre. Sauf que non, vu que Sam, amie et coauteur du projet, était exclue de cet accord. Dans un sens, ce n’est pas plus mal car au final, le bouquin n’aura pas vu le jour. Ah oui, et entre-temps, je me suis séparée de mon amour de jeunesse qui ne trouvera rien de mieux à faire que de m’inviter à son mariage avec ma remplaçante. Je ne gagne plus de quoi payer mon loyer mais je décide quand même de manger des kilomètres à la sueur de mon front pour aller le rejoindre. Je m’appelle Mélina et voici mon histoire. » Mince, si j’avais su.
 
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Beyond 2D Souls

Always Sometimes Monsters apparaît prodigieux si l’on ne se fie qu’à la promesse de son pitch. Le titre du studio indépendant Vagabond Dog nous invite ainsi à suivre une histoire qui sera modelée suivant nos choix, lesquels sont annoncés comme n’allant jamais être manichéens. Dans son concept, le jeu semble donc vaguement s’apparenter à un Beyond Two Souls ou un The Walking Dead, à la différence près qu’Always Sometimes Monsters arbore une réalisation trahissant une utilisation du logiciel RPG Maker. Et il est vrai que, dès les premières minutes de jeu, une impression d’avoir pléthore de chemins devant soi va se faire ressentir. Pendant une fête organisée par ce cher Larry, vous prendrez le contrôle de ce dernier pour aller trinquer avec l’invité de votre choix, que vous conduirez à son tour vers le talent à présenter à Larry (c’est aussi confus à lire qu’à jouer la première fois, rassurez-vous). Toutefois, peu importe les choix que vous ferez pendant cette introduction, elle consistera juste à définir le couple (noms et apparences) qui deviendra le centre de l’histoire. Et contrairement à ce que je pensais au moment de lancer le jeu, un fil conducteur vous sera imposé.
 
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Malgré son format, vous ne prendrez part à aucun combat dans Always Sometimes Monsters. Quoi de plus normal, finalement, pour un simulateur de vie ne se déroulant pas dans les quartiers chauds de Marseille ? Au départ, le jeu vous place face à un implacable constat : vous êtes fauché et votre propriétaire a les crocs. C’est d’ailleurs pendant un échange tendu avec lui que vous vivrez votre premier véritable dilemme. Que l’on vous demande de payer dans les plus brefs délai votre loyer impayé passe encore, mais rendre votre clé le temps que l’argent arrive sur le compte est tout de même fort de café. En sachant que quelle que soit votre décision, vous ne pourrez plus rentrer dans votre appartement. Seulement, même en suivant l’histoire qui m’a permis de me remplir les poches de quelques billets, il m’a été impossible d’aller régulariser ma situation auprès de ce cher proprio. Bien bête pour un jeu qui était parti pour nous faire vivre une existence plus ou moins banale, et donc crédible et dénuée de tout challenge inhérent à la plupart des RPG (mis à part un aspect collectionnite de figurines à trouver). Si, en 2014, la carrière de Frédéric François était encore vierge, Always Sometimes Monsters l’aurait probablement inspiré à écrire « Laisse-moi vivre ma vie ».
 
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The Walking Lanes

Il est bien sûr possible d’aller aux toilettes et d’y effectuer sa grosse commission, mais ne jamais s’y rendre ne représentera pas un handicap. En revanche, la faim est une donnée essentielle dans le jeu, nous y reviendrons. Pour l’heure, restons sur le scénario et sa narration puisque ces éléments comptent pour beaucoup beaucoup dans cette œuvre. L’écriture est fluide et les premières heures de jeu sont très appréciables à suivre. Le ton se veut quant à lui assez libre puisque l’on pourra vous proposer une partie de jambes en l’air en trio voire de fumer de l’herbe. Quant aux choix que vous serez amenés à faire, ils se montrent particulièrement intéressants si l’on agit en fonction de sa propre personnalité. Mais si vous attendez une répercussion notable dans le déroulement de la partie, prévoyez quelques déceptions, de même si vous décidez d’aller dans une direction complètement contraire à celle conseillée par le jeu. Always Sometimes Monsters déçoit donc une première fois en s’amusant à rendre notre volonté caduque.
 
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Une déception qui conditionnera malheureusement l’appréciation globale du soft. Alors que j’approchai lentement, mais sûrement de la dizaine d’heures de jeu, me voilà contraint à faire un nouveau choix pour parvenir à mon objectif final : la première voie proposée est lourdement punie par la loi et la seconde, de par son découpage, nous rappelle qu’Always Sometimes Monsters est un jeu. À ce moment-là, je n’étais plus trop certain de vouloir vivre cette vie que l’on m’avait confiée. Mais d’un autre côté, le titre de Vagabond Dog est tellement centré sur son scénario et sa narration que se rabattre sur ses à-côtés (des mini-jeux pas trop mal fichus) n’aurait pas vraiment eu de sens. J’ai donc persévéré en optant pour la seconde voie (que je persiste à ne pas vouloir vous détailler). Et la faute à un mini-jeu atrocement compliqué à maîtriser, et pourtant quasi-indispensable à passer pour ne pas perdre des points de karma, je me suis retrouvé à devoir répéter un itinéraire durant plusieurs jours (fictifs) pour avoir le droit de retenter ma chance. Ce faisant, mon personnage a complètement négligé son hygiène de vie et a fini par mourir de faim dans son sommeil (ne faites pas ça, les enfants).

À me relire, je me rends bien compte que je me suis montré très exigeant avec un jeu que je m’apprêtais à forger à l’envi(e). Mon envie. Peut-être qu’à l’instar d’un Shenmue ou d’un Euro Truck Simulator 2, Always Sometimes Monsters est moins fait pour amuser le joueur que pour l’hypnotiser dans une vie n’ayant plus rien d’un jeu. Ce qui n’est pas forcément un mal en soi. Mais son principal souci se situerait plutôt dans son immersion meurtrie à coups de murs invisibles imposés, sciemment ou non, par le développeur. Alors que pour suffire à mon bonheur, il aurait suffi de trois mots blancs écrits sur fond noir pour me « punir » d’avoir voulu prendre un chemin atypique. Reste au final un jeu relativement bien narré qu’il serait, à tous les coups, intéressant d’essayer.
 

 
Vagabond Dog/Devolver Digital – PC – Disponible depuis le 21 mai 2014 sur Steam, GOG.com et le Humble Store – 9,99€ sur Steam et le Humble Store, 9,99$ sur GOG.com