La Cour de cassation a refusé, le 4 mai dernier*, la mention « sexe neutre » sur l’état civil d’une personne intersexuée française née « sans pénis, ni vagin ».

 

 

L’arrêt rendu par la Cour de cassation

« La dualité des énonciations relatives au sexe dans les actes de l’état civil poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique », a notamment mis en avant la haute juridiction dans sa décision. La reconnaissance par le juge d’un « sexe neutre », que « ne permet pas la loi française », aurait en outre « des répercussions profondes sur les règles du droit français », construites à partir de la binarité des sexes, et impliquerait « de nombreuses modifications législatives », a en outre argué la Cour.

Selon la Cour, donc, reconnaître le sexe neutre à l’état civil mettrait fin, de fait, à la binarité homme-femme autour de laquelle l’ordre social s’organise.

Si on peut comprendre l’argumentaire de la Cour de cassation, la question n’est pas anodine puisqu’elle pourrait concerner, au minimum – car il n’y a pas de réelle statistique, environ 200 bébés qui naîtraient chaque année en France atteints d’une « malformation génétique du développement sexuel » soit 1 naissance sur 4 000.

Le requérant, dans l’affaire commentée, se présentait comme un individu « dont les organes génitaux ne correspondent pas à la norme habituelle de l’anatomie masculine ou féminine ». Né à Tours ce dernier est pourtant inscrit sur l’état civil comme étant de sexe masculin. Il a vécu comme un homme, sans se sentir ni homme, ni femme. Sa demande de modification de ses documents d’état civil avec la mention « sexe neutre » avait été acceptée par un juge aux affaires familiales de Tours en 2015. Mais en mars 2016 la cour d’appel d’Orléans avait réformé la décision par crainte de « reconnaître, sous couvert d’une simple rectification d’état civil, l’existence d’une autre catégorie sexuelle ».

Mais que dit le droit ?

Si l’article 57 du Code civil exige la mention du sexe de l’enfant sur l’acte de naissance, il n’évoque pas formellement l’obligation de faire un choix entre masculin ou féminin.

C’est pour cette raison que le Tribunal de grande instance de Tours, dans sa décision du 20 août 2015, avait estimé qu’aucun obstacle juridique majeur ne se heurtait à la substitution, en précisant que la « rareté de la décision ne remet pas en cause la division ancestrale de binarité des sexes ». Mais la Cour de cassation a pris peur et a repris la motivation de la Cour d’appel d’Orléans, pragmatique mais peut être rigide à l’excès.

La France a par ailleurs été condamnée à 3 reprises en 2016 par l’Organisation des Nations unies, pour des opérations pratiquées sur des enfants afin de leur attribuer un sexe masculin ou féminin.

Un peu d’audace dans cette affaire aurait fait sortir la France de la binarité sexuelle, et suivre donc les recommandations du Conseil de l’Europe.

Ainsi, dans le monde, plusieurs pays ont reconnu les mentions « X », « autre », « sexe non spécifique » ou « indéterminé » sur divers documents officiels : l’Australie, le Canada, la Malaisie, le Népal, la Nouvelle-Zélande, l’Inde et l’Afrique du Sud. Notons qu’en Europe l’Allemagne autorise depuis 2013 la délivrance de certificat de naissance sans mention du sexe.

Mais la France évolue peu à peu. Ainsi, une circulaire de 2011 permet en effet, en cas d’ambiguïté sexuelle du nourrisson, de ne pas mentionner son sexe sur son extrait d’acte de naissance. Cette indétermination peut durer jusqu’aux 2 ans de l’enfant. L’enjeu est simple : il s’agit de donner aux parents et au corps médical le temps d’engager un « traitement approprié » permettant de le déclarer « fille » ou « garçon ». Au-delà de 24 mois, un sexe doit impérativement être attribué à l’enfant à l’état civil. Ce n’est sans doute qu’un début.
 
 
 
* Civ. 1re, 4 mai 2017, FS-P+B+R+I, n° 16-17.189.